Tu étais conviée à la soirée des Nicely. Bien sûr. On ne laissait pas Lacrymosa sur le banc de touche. Les gens savaient que c'était toujours plus drôle, et puis, tu intimidais ces crétins de Brainy, toujours plongés dans leurs études, etc. Enfin bref. La cérémonie, parlons-en. Elle était d'un chiant, oulala. Déjà, la Ashley, tu la connaissais de vue. Mais faut bien piger que deux divas (et même plus !) qui se disputent la même couronne, ça fait forcément des étincelles. Tu étais restée dans les derniers bancs, histoire que personne ne cherche à savoir si tu pleurais ou pas. Comme les actrices dans les films à l'eau de rose, qui pleurent toujours de façon.. romantique. Berk. Tu tapotais sur ton portable, avec frénésie. Tu faisais déjà le don de ta présence dans ce lieu, tu n'allais pas en plus de cela, te montrer attentive, faut pas déconner.

Une fois la cérémonie terminée, tu retournais vers les appartements des Lordly, histoire de vérifier que ton mascara n'avait pas coulé. Mais bon, tu étais toujours impeccable de toute façon. Les Nicely, ces dingues, avaient certainement préparé la fête du siècle. Et nul doute que de l'alcool et quelques produits illicites tourneraient dans l'ombre, ce soir.

Tu pensais à ta robe. Elle ferait fureur. Échancrée au niveau de la poitrine, en mousseline pour donner un côté léger à l'ensemble, assortie avec ton sac à main gucci, sorti de la dernière collection. Et puis, les escarpins de 10 cm de haut, ça ne te faisait pas peur.

En bref, tu gardais ta robe pour quand le soir tomberait sur l'établissement. C'est avec un plaisir teint d'amertume, que tu croisas, cette fille. Alaska. A la température de son prénom, votre relation était froide. Des glaçons. Mais tu ne pouvais pas supporter cette petite garce. Et depuis que vous vous envoyiez des sms assassins, tu avouais avoir envie de la remettre dans ses buts. Tu la suivais, abandonnant temporairement tes songes pour la soirée qui s'annonçait.

S'aventurant vers la forêt, tu te glissais derrière les troncs d'arbre. Une forêt en pleine nuit. Ça ne pouvait pas être mieux. Le cadre serait fantomatique et les ombres s'étireraient comme de sombres présages sur les deux jeunes protagonistes de cette scène macabre.

▬ Alaska. Ma chérie. Quelle douce nuit. Tu veux t'amuser avec moi ? Au jeu du chat et de la souris ?

Tu fis tressauter les chaines métalliques accrochées à ton jean moulant, un de tes caprices. T'approchant, zigzagant entre les troncs d'arbre. Tu attrapas un papillon de nuit qui te caressait le visage, affolé par la présence de deux créatures humaines. Et cette tension nerveuse, cette ambiance lourde, ne devait que rendre un peu plus fou, le pauvre insecte perdu.

▬ Il lui reste deux jours à vivre. C'est un éphémère. Et toi, il te reste combien de temps à vivre ? Aahaha.

Cela te fit rire. Cette tension nerveuse accumulée, autour des deux jeunes filles, comme un voile invisible qui glace le sang. Tes talons écrasaient les branchages, qui juchaient la forêt. Tu n'étais pas faite pour ce genre d'expéditions sauvages. Ton truc, c'était faire les boutiques. Le meilleur sport du monde. Monter des escaliers, porter des sacs, se déshabiller, essayer un vêtement, teste un nouveau fond de teint, assortir des sacs à sa tenue, acheter une dizaine de paires de chaussures, trouver un bikini top tendance pour l'été. Enfin, voilà. Rien que d'y penser, tu songeais à tous les kilos que tu devais perdre en pratiquant ton activité favorite.

▬ ALASKA. COURS. OU JE VAIS TE TUER !

Tu te mis à pouffer de ta propre farce, tout en espérant qu'elle ne t'entende pas rire. En même temps, c'était ici qu'Ashley, la pseudo reine, dont on venait enfin de célébrer les funérailles, était disparue. Des types bizarres, y'en a pleins. Et des détraqués aussi. C'est pour ça que tu avais pris la décision de ne jamais porter de jupes. Déjà, parce que c'était trop hasbeen.

Tu traquais la garce, comme on traque une souris. Marchant vers elle, te fondant dans l'ombre. Tu te saisissais d'un gros bout de bois que tu frappais contre les troncs que tu croisais. La situation était juste jouissive. Presque autant que le jour où tu avais fait l'acquisition d'une nouvelle montre Dior.

▬ ALASKA. FUIS PENDANT QU'IL EST ENCORE TEMPS ! AHAHAHAHAHA !

Elle chevaucha un tronc d'arbre déraciné, couché sur l'humus frais de la forêt. Ça sentait le pin, mais il faisait frais. Et il faisait sombre. Une magnifique nuit. Tu prendrais certainement plus de plaisir à tourmenter la jeune fille, qu'à aller à cette stupide fête de Nicely, où ton occupation première serait de te déhancher jusqu'à avoir les jambes molles. Ton t-shirt collait à ta peau, alors que tu avançais peu à peu vers la demoiselle, qui ployait sous ta cruauté maladive. Tu te mis à siffloter, tout doucement. Cela t'amusait tellement. Oui, tu prenais un malin plaisir à faire peur à Alaska. Parce que cette garce se prenait pour un lady. Et toi, espèce de biatch, tu devais remettre les choses dans leur contexte. Donc, c'est pour cela que ce soir, tu avais décidé de poursuivre cette pauvre Nutty.

Roh, et puis, c'était quoi cette maison aussi. Tout le monde savait que les Lordly étaient les meilleurs, mais ils arrivaient encore à se vanter d'appartenir à une maison.. en carton, quoi. Encore, les Nicely, avaient un certain goût, quoique trop fantaisiste et démesuré. Les Brainy, bon, les grosses tronches, on s'en passera, hein. Mais les Nutty. Oulala.

▬ Même si votre tête est écrasée. Même si si votre bras est pris. .Les enfants qui ne peuvent jamais mourir, rient de vous doucement. ♪

Le jeu avançait et prenait une tournure de plus en plus intéressante. Maintenant que la proie fondait vers le prédateur, espérant faire la lumière sur la psychopathe qui la tourmentait. Tu riais à gorge déployée, en songeant que, de toutes façons, maintenant, elle savait qu'il y avait une présence. Et à son ton énervé, elle n'avait plus l'air trop dupe. Pourtant, tu t'étais donnée du mal pour effrayer la jeune Nutty. Tu avais usé des stratégies perfides qui t'étaient propres. Te faisant passer pour le psychopathe agresseur d'Ashley. Pour une fois que quelqu'un faisait une véritable bonne action dans ce foutu établissement pour dingues.

Au lieu de te jeter dans les bras d'Alaska, tu décidas, d'au contraire, la fuir. Tu la contournas, passant à côté de gros troncs de chêne, tes talons écrasant les fougères, les bouts de bois fragiles. Plantant tes ongles dans l'écorce pour t'éviter une chute assurée, où tu serais à la merci de la Nutty. Tu décidas de foncer, aussi vite que tu pouvais, tournant le dos à la jeune fille.

▬ ESSAYE DE M'ATTRAPER, CATIN.

Bon, tu n'aimais pas courir. Sauf pendant les soldes. Courir en talons, en pleine nuit, dans une forêt où les obstacles qui sont sur ton chemin ne sont visibles qu'au dernier moment, mauvaise idée. Mais au moins, tu auras tester. Tu choisissais de te faufiler entre les buissons qui te fouettaient le visage et les plantes qui accrochaient ton excentrique chevelure rose. Tu ne voulais même pas penser aux sales horribles petites bestioles qui devaient vivre là-dedans. Des serpents, des araignées, des moustiques, des grenouilles, bref. Une réunion animale de monstruosités.

▬ FAIS ATTENTION OU LE CROQUE-MITAINE VA VENIR TE TUER, FILLE DE JOIE.

Tu consultas ta montre d'un geste rapide, cadran luminescent. Dans moins d'une heure, la fête allait commencer. Et puis, tu commençais déjà à t'ennuyer de ce manège sans sens. Alaska était si émotive, tout de même. Tu t'arrêtas, dos à un tronc d'arbre. Il n'y avait plus aucun bruit au tour de toi, sauf peut-être la douce mélodie des criquets. Tu sortis ton portable. Pas de réseau. Fuck. Tu levas ton portable au dessus de ta tête en tournant sur toi-même, à la recherche de la moindre petite barre de secours. Double Fuck. Rien. Tu juras. Des choses que je ne dirai pas. Mais c'était pas beau à entendre. Alaska avait dû retrouver son chemin, bien sûr. Elle courrait toujours ici, elle devait connaître la forêt, depuis l'temps. Tu rangeas ton portable dans ta poche de jean et tentas de faire chemin inverse.

Quand tu te cognas contre quelque chose. Un tronc ?